Conférence solennelle de rentrée 2025-2026 du Collège de droit et de l’École de droit

Le 11 septembre 2025, s’est tenue la rentrée solennelle du Collège et de l’École de droit, un moment fort de la vie de l’Université-Paris-Panthéon-Assas, ouvert chaque année par son président, le professeur Stéphane BRACONNIER.
La conférence solennelle a fait l’objet de la publication d’un article au sein de la Semaine juridique, reproduit ici avec l’aimable autorisation des Éditions LexisNexis et de la revue la Semaine juridique, édition générale.
Après les mots d’accueil et de remerciements, le président de l’université, Stéphane BRACONNIER et, le professeur Cécile PÉRÈS, directrice du Collège, ont procédé à la remise des prix du Collège de droit (1er prix à Marie-Stella GOTZAMANIS ; 2e prix à Anne-Lise PERRIN ; Mention spéciale à Chiara MAZILU) afin de récompenser leurs brillants résultats académiques.
Le professeur Pierre-Yves GAUTIER, directeur de l’École de droit, a ensuite présenté l’invité d’honneur de cette rentrée solennelle, Monsieur Vincent VIGNEAU, président de la chambre commerciale de la Cour de cassation depuis 2022. Il a rappelé les liens étroits entre la pratique et l’enseignement universitaire, le Président VIGNEAU ayant enseigné à l’Université de nombreuses années.
L’allocution de Vincent VIGNEAU a porté sur le portrait de deux figures marquantes de la magistrature, Alexis BALLOT-BEAUPRÉ et Félix MAZEAUD.
Nommé président de la chambre civile de la Cour de cassation en 1899, puis premier président de la Cour de cassation de 1900 à 1911, Alexis BALLOT-BEAUPRÉ (1839-1917) fut sans doute le plus illustre des magistrats de la Troisième République. Cette réputation est héritée de l’arrêt, qu’il rédigea, de réhabilitation d’Alfred DREYFUS en date du 12 juillet 1906. Sous la plume de BALLOT-BEAUPRÉ, l’arrêt marqua les esprits par cette formule poignante : « De l’accusation contre DREYFUS, il ne reste rien debout, et ne subsiste rien pouvant lui être imputé un crime ou un délit ». Bien que pure application du droit, cet arrêt est un témoignage de l’humanité de la figure du juge. Son exemple, aux yeux du Président VIGNEAU, rappelle que le juge n’est pas le gardien de l’ordre établi, mais un serviteur du droit. Si Alexis BALLOT-BEAUPRÉ est une figure inspirante, c’est aussi parce qu’il fut un génie de la formule juridique et e un homme de lettres touchant par son courage. Pour Alexis BALLOT-BEAUPRÉ, ce n’est qu’à l'État de Droit, seul rempart de la liberté, que le juge doit vouer sa loyauté.
Le Président VIGNEAU a poursuivi son allocution en esquissant le portrait de Félix MAZEAUD (1875-1954), magistrat qui s’illustra au ministère public avant d’accéder aux fonctions de président de chambre à la Cour de cassation. Durant sa carrière, Félix MAZEAUD fit face à de nouvelles questions en matière de responsabilité civile et contribua à l’évolution du droit dans ce domaine. Animé par des valeurs libérales, attaché au respect de la dignité humaine, il refusa les ordres de l’Occupation et continua, après la Libération, à servir l’État et la Justice en donnant un souffle nouveau à la magistrature, à l’heure où la Nation était en reconstruction. Félix MAZEAUD s’illustra par son humanité, gardant à l’esprit que le juge tranche des situations concrètes, non des questions de droit abstraites. Comme l’a souligné le Président VIGNEAU, reprenant les mots du doyen CARBONNIER ,« le juge est un homme et non une machine à syllogismes » ; le juge n’est pas la bouche de la loi, il est son interprète. Ainsi son exemple enseigne-t-il que le juge doit, dans l’exercice de ses fonctions, toujours cultiver humilité et nuance.
Le Président VIGNEAU a saisi l’occasion de ces portraits pour délivrer un enseignement plus général sur la place du juge dans la société. Il a souligné, en cela, que la Justice n’était pas un pouvoir mais une charge et, par une leçon pleine d’humilité tirée de son expérience personnelle, il a rappelé que le juge peut aussi se tromper. Le Président VIGNEAU a également évoqué ses fonctions à la chambre commerciale de la Cour de cassation et a souligné les trois mots d’ordre qui guident l’orientation de sa jurisprudence : audace, bon sens et pragmatisme. Il a insisté sur l’importance de la formation universitaire, qui transmet une méthode, laquelle invite à penser par soi-même.
À l’occasion d’un échange avec l’assistance, notre invité a insisté sur l’impératif de lisibilité des décisions de justice, dans lequel la nouvelle rédaction des arrêts de la Cour de cassation s’inscrit, ainsi que sur le rôle protecteur des droits fondamentaux dont le juge est investi, à charge pour lui de défendre les libertés, tout en fixant des limites. Il a souligné enfin que le droit ne saurait se limiter à l’expression de la volonté à un instant donné car, en vérité, la volonté du peuple s’inscrit dans une histoire. Son message est une exhortation à refuser l’arbitraire et l’injustice, à protéger les droits fondamentaux, qui ne doivent en aucun cas être sacrifiés sur l’autel de l’efficacité, et à défendre l’État de droit.
Le Collège de droit et l’École de droit remercient très sincèrement le Président Vincent VIGNEAU pour sa présence lors de la rentrée solennelle et sa brillante intervention.
Par Tess GUETTIER et Victor BORDEREAU, élèves de l’École de droit